Le cabinet du maire nous a contacté pour savoir si on pouvait intervenir rapidement. J’ai donc demandé à deux responsables de m’accompagner pour établir un diagnostic des différentes problématiques rencontrées, savoir s’il y avait un danger.
Il était important pour nous de comprendre comment la médiation, après un évènement comme celui-ci, pouvait être efficace.
Dès les premières déambulations dans les rues, nous nous sommes rendus compte que les jeunes n’étaient pas farouches aux échanges. Même si au début, il y avait un petit peu de distance mais cela parait compréhensible.
Une semaine après, on a pu insérer un binôme de médiateurs pour les laisser seuls, une fois le contact établi avec la population. »
« Pourquoi avoir mis des responsables avant d’implanter des médiateurs directement ? »
« J’ai pris cette décision car nous n’avions pas d’historique sur place. Le laps de temps entre la demande et l’action sur place était trop court pour établir un diagnostic. L’objectif était de rassurer la ville et les habitants ; il y avait urgence certes, mais il fallait s’assurer que nos médiateurs pourraient intervenir sans danger par la suite.
L’objectif était de faire d’une pierre deux coups ; répondre à la demande pressante, donc être présents sur place tout en établissant un diagnostic utile pour la suite. »
« Quel a été le dispositif mis en place ? Combien de médiateurs étaient sur place ? Combien de fois par semaine ? »
« Sur ces points, la ville a défini les jours et les horaires de présence. L’idée était d’être présent, en complément des autres services (présents du lundi au vendredi). Nous étions donc sur le terrain, du vendredi au samedi de 16h À 22h. L’objectif principal était le soutien aux habitants et aux commerçants. Le dispositif devait prendre fin à la fin du mois août, mais nous avons finalement fini la prestation le 11 septembre 2021. »
« Quels ont été les rôles des médiateurs sur place ? »
« Ils ont eu plusieurs rôles:
Dans un premier temps, rassurer la population par leur présence et recueillir les besoins des habitants pour les aider.
Dans un second temps, essayer d’instaurer un dialogue avec les jeunes du quartier pour trouver des compromis avec le reste de la population (habitants et commerçants). Notre position de non- jugement est un atout pour établir le lien entre les jeunes et la population. L’ultime but est de soutenir et apaiser les tensions présentes dans le quartier. »
« Quels ont été les retours de la population et de la ville de Saint-Jacques sur votre activité ? »
« Concernant les habitants et les jeunes, nous avions des échanges au fil de l’eau. Ils étaient d’abord étonnés de notre intervention tardive sur les lieux après l’événement grave survenu.
De fil en aiguille, tous étaient très contents de voir la médiation porter ses fruits. Habitants et commerçants étaient rassurés de voir les médiateurs à des heures où il n’y avait plus personne habituellement, c’est-à-dire entre 19h et 20h.
Le bilan d’activité, qui s’est déroulé en octobre 2021, nous a permis d’entendre les remerciements de la ville.
Il nous a été fait part d’une baisse des intimidations, des incivilités et des agressions. Cela nous a beaucoup rassuré. Avoir le sentiment de répondre aux besoins et démontrer les bienfaits de la médiation est satisfaisant. »
« Si tu devais revenir ou modifier quelque chose sur le dispositif de Saint-Jacques, quel élément améliorais-tu ou changerais-tu ? »
« Je pense que l’impact aurait été plus important si l’on avait été présents du lundi au dimanche.
En effet, ce qui nous a manqué, c’est le lien avec les partenaires de la ville (les services de la ville, la structure d’animation socio-culturelle, l’éducateur, la bibliothèque…).
Cela venait principalement d’un souci de calendrier : étant sur place du vendredi au samedi, nous ne concordions pas avec leurs jours et horaires de travail.
En effet, si l’on souhaite qu’un jeune change son comportement, il aurait fallu que l’on puisse le rediriger vers les structures adaptées après expression de ses besoins. Ce manque de lien et de connaissances nous a légèrement manqué. »
« Pour finir sur Saint-Jacques, c’est la première gestion de crise que vous avez dû gérer ? »
« J’ai connu d’autres gestions de crises mais, à la différence de Saint-Jacques, nous avions déjà notre réseau de partenaires et l’on connaissait le terrain.
Dès lors, la gestion de crise à Saint-Jacques est en effet unique. C’est la première fois que l’on a dû intervenir dans une zone inconnue aussi rapidement.
Et ça fonctionne…»